«Une journée inoubliable! C’est comme si on se connaissait depuis toujours, comme si nos nouveaux amis italiens faisaient partie de notre communauté depuis longtemps. Je suis convaincu que nous ne sommes qu’au début d’une longue collaboration qui sera bénéfique pour tous. » Parfois les actions les plus simples sont les plus efficaces, comme le confirme avec enthousiasme Souhad Azennoud, présidente de la coopérative Ariaf Kissane (qui regroupe apiculteurs, producteurs et transformateurs de petit épeautre et plantes aromatiques telles que l’origan à inflorescences compactes répertorié dans l’Arche du Goût) et coordinatrice de la Communauté Slow Food Kissane. Voici le récit de cette rencontre, en espérant qu’elle inspirera d’autres actions simples et bénéfiques du même type qui permettent de construire des ponts entre les deux rives de la Méditerranée.
Kissane est un village rural de la province de Taounate, dans la région montagneuse située dans la partie sud du Rif, au nord du Maroc. C’est là que la Communauté Slow Food s’est engagée à valoriser la biodiversité locale et notamment le petit épeautre du Rif, une variété autochtone traditionnelle protégée par une Sentinelle Slow Food.
Ce territoire appelé Jbala (« peuple de la montagne ») couvre la majeure partie du Rif occidental et central. Il s’agit d’une zone isolée difficile d’accès, reconnue pour sa biodiversité très riche, avec une grande concentration d’espèces végétales et animales, malheureusement menacées aujourd’hui. Les cultures traditionnelles sont progressivement remplacées par des plantations de cannabis hollandais hybride, destinées au marché européen et très gourmandes en eau, engrais azotés et pesticides. Cette situation a poussé la communauté locale à réagir et se battre pour valoriser l’agriculture et la gastronomie traditionnelles, en protégeant la biodiversité et en impliquant les jeunes agriculteurs qui sont aujourd’hui contraints de partir ou de se consacrer au cannabis, plus rémunérateur. C’est ici que commence notre histoire.
Le 10 juin, la communauté Slow Food de Kissane a accueilli d’autres groupes du réseau italien : la communauté de Valdarno, les représentants du Marché de la Terre de Montevarchi et ceux de la Sentinelle de l’huile Evo de Pratomagno. Cette petite délégation composée de 9 personnes s’est rendue au Maroc dans un but bien précis : célébrer l’inauguration du potager de Roberta, à vocation communautaire et pédagogique, en hommage à une enseignante décédée qui avait participé au financement du projet et dont le mari, la sœur et les amis font partie du groupe de voyageurs fruit d’un jumelage entre les deux communautés, et soutenir la création de trois potagers à Kissane et un au sein de l’école del Puglia à Figline Valdarno.
«Arriver loin de tout et trouver un potager nommé en hommage à Roberta… Ce fut une émotion incroyable » nous raconte Patrizia Balestri, arrivée à Kissane avec la délégation Slow Food Valdarno.
«Ce projet a été bien plus loin que ce que nous ne pouvions imaginer. Nous souhaitions mettre en place un jumelage entre le potager de l’école élémentaire de Figline Valdarno et le potager pédagogique de l’exploitation de Kissane. Et nous avons maintenant un potager, 2 écoles, 200 enfants impliqués, une Communauté entière soutenant le projet, une Sentinelle et des agriculteurs qui redécouvrent la biodiversité locale et en bénéficient. Et surtout la naissance d’une belle amitié, commencée avec la venue de la communauté marocaine avant Terra Madre 2018, chez nous en Toscane. C’est très enthousiasmant pour nous tous de vivre cette aventure qui, nous le savons, ne s’arrêtera pas là » affirme avec certitude Roberto Ermini, membre de la Communauté Slow Food Valdarno.
Cette journée a non seulement permis de renforcer les liens entre les deux Communautés Slow Food, mais également d’échanger connaissances et expériences variées : sous le chapiteau de l’inauguration installé pour l’occasion ont été présentées les différentes activités de Slow Food à Valdarno et à Kissane, le texte de constitution du jumelage et les participants, soit une centaine de personnes, regroupant des autorités locales, des producteurs, des instituteurs et des élèves, ont discuté des solutions possibles pour aider les populations rurales à relever le défi, à défendre la biodiversité et à accéder à une alimentation saine et juste pour tous. « Il est fondamental de favoriser le dialogue, l’échange et la confrontation entre les producteurs. Les problèmes sont souvent partout les mêmes, de même que les remèdes. Se réunir permet de favoriser la solidarité et de trouver des solutions communes, notamment car nous devons tous trouver une réponse au changement climatique et à l’abandon des zones rurales. » Claudia Panichi, membre de l’association des producteurs de l’huile Evo de Pratomagno et adhérente de la Sentinelle Slow Food, confirme l’importance des échanges d’expérience entre producteurs. À ses côtés, Tamara Scarpellini, oléicultrice et représentante du Marché de la Terre de Montevarchi, surenchérit : chez nous, comme ici, les montagnes se vident et les semences se raréfient… Souhad a réussi à protéger les siennes et à les diffuser aux producteurs, en les impliquant dans une démarche commune. C’est un exemple à suivre. »
Voici la fin de ce joli récit. Nous espérons qu’il pourra être vous inspirer et représenter un modèle à suivre à l’intérieur de notre réseau.
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